Acheter un bien ensemble est un des projets prioritaires de tous les couples. Mais une acquisition n’est pas un acte anodin. Il est nécessaire d’étudier tout ce que cela implique, notamment au niveau du financement, en cas de séparation ou de décès… Maître GENNOT-CAILLE, notaire à Vitré, répond à ces préoccupations.
Pourquoi les futurs mariés ont-ils intérêt
à vous consulter avant d’acheter un bien ?
Ma première réponse est : pourquoi pas ? Une consultation chez un notaire pour évoquer ce projet est gratuite. Les futurs époux ont donc tout intérêt à venir nous rencontrer en amont de leur projet de mariage et d’achat. Trop souvent, nous rencontrons des époux qui ont des problématiques à résoudre a posteriori et les solutions sont alors parfois difficiles à mettre en oeuvre ou plus coûteuses. Lors de la consultation, nous pouvons évoquer leur situation professionnelle actuelle et future, leurs patrimoines respectifs ou encore certaines craintes que l’un ou l’autre peut avoir en raison d’une mauvaise expérience personnelle passée. Notre rôle de conseil est très important également lorsqu’il s’agit d’une recomposition familiale ou lorsque des apports personnels sont prévus. Nous sommes là pour les aider à comprendre les différents régimes matrimoniaux et leurs conséquences sur leur patrimoine actuel et futur, personnel ou acquis ensemble. Un projet immobilier est l’occasion de leur proposer différents outils juridiques pour les aider à mener à bien leurs objectifs. Le choix du régime matrimonial est l’un de ces outils. En présence d’une famille recomposée, le notaire est attentif aux éventuelles problématiques liées à cette situation. Lorsque les époux optent pour un régime séparatiste, nous les aidons à calculer les quotités d’acquisition afin de savoir si l’achat se fait à parts égales ou dans d’autres proportions. Pour les couples mariés sous le régime de la communauté, il est important de savoir si les fonds proviennent d’économies réalisées pendant le mariage, d’une donation ou succession, auquel cas une déclaration de remploi pourra être effectuée pour assurer la traçabilité du financement du bien et éviter des difficultés lors de la liquidation du régime.
Quelles sont leurs principales questions
et préoccupations ?
Elles sont aussi variées qu’il existe de couples ! Pour certains ce sera d’assurer la sécurité juridique des enfants nés d’une précédente union, pour d’autres, le souci de récupérer leur apport lors de la vente ou en cas de séparation. D’autres auront le souci de se protéger mutuellement en cas de décès. Ou toutes ces préoccupations en même temps ! Bien souvent, nous parlons de la donation entre époux qui apporte une plus grande sécurité en cas de décès. Les artisans, entrepreneurs, indépendants et agriculteurs, par exemple, ont souvent le souci de préserver leur conjoint et la résidence principale en cas de coup dur.
Quelles sont les conséquences d’un achat immobilier avec des apports différents en cas de séparation ou de décès ?
Tout dépend du régime matrimonial et de ce qui a été écrit ou pas dans l’acte d’acquisition.
Le premier conseil est d’indiquer aux futurs époux de respecter ce qui est envisagé lors de la mise en place du financement. Par exemple, si l’on écrit que l’emprunt sera remboursé pour 2/3 par un époux séparé de biens et 1/3 par l’autre, et que finalement un époux rembourse seul l’emprunt et que l’autre « compense » en réglant des charges de la vie courante, la liquidation du régime matrimonial risque d’être compliquée.
En cas de décès, selon le régime choisi, le mode de calcul de ce que l’on qualifie d’apport peut varier. L’idée est de rendre à chaque patrimoine ce qu’il a apporté, en réévaluant l’apport ou au « nominal », selon la nature de l’apport et la façon dont il a été employé.
En cas de divorce, chacun souhaite « récupérer ses billes ». Là encore, le mode de calcul des créances ou récompenses entre époux va varier selon le contexte. On analyse alors le régime matrimonial et l’historique des mouvements de fonds. Dans une telle situation, il est important de relire le titre de propriété et le contrat de mariage afin de savoir ce qui a été prévu lors de l’achat et d’examiner le capital restant dû sur le ou les crédits et de calculer les créances ou récompenses. Dans certains cas, l’un des époux souhaite conserver le bien, s’il le peut. Il convient donc de réaliser les mêmes opérations de calcul pour calculer ce qu’il devra verser à l’autre dans le cadre du partage global du patrimoine.
Pour quelles raisons vaut-il mieux être
marié pour réaliser un projet immobilier ?
Bien souvent, les clients considèrent qu’acheter un bien immobilier ensemble est un engagement suffisant pour concrétiser leur vie à deux. Lorsqu’ils décident de se marier avant d’acheter et qu’ils se sont entourés des conseils de leur notaire en amont, ils s’évitent bien des problématiques. Le régime matrimonial, quel qu’il soit, donne le cadre qui permettra de traiter les flux financiers efficacement s’il y en a eu. En cas de décès, le mariage offre la protection la plus large possible au conjoint survivant, sans porter atteinte aux droits des enfants. Ce qui est souvent une double préoccupation importante. Il permet lorsque l’on envisage de finir ses jours ensemble, de refaire le point avec le notaire pour envisager, pourquoi pas, un aménagement du régime matrimonial ou une donation entre époux pour maximiser cette protection.
Rien n’interdit aux tourtereaux de se marier après avoir acheté leur premier bien immobilier, cependant la protection ne sera pas aussi efficace, car le bien se trouve hors du cadre du régime matrimonial. Il est simplement placé sous le régime de l’indivision avec des règles moins protectrices, des délais de prescriptions qui peuvent surprendre…. et décevoir, des règles de réévaluation des créances différentes. Alors autant anticiper dans la mesure du possible.
Il est donc vivement conseillé aux couples qui ont des projets de mariage et d’investissement de se rapprocher d’un notaire pour du conseil et des solutions sur mesure.
Propos recueillis le 13/10/2021
Notaires 35 novembre 2021